« Oh ma lune folingue ! Je te tendrement d’un frôlement.
Je te voyage d’un coup d’oeil mon amie.
Tu sais, je de fatigue en fatigue.
Lunettes de nuit et hop !
J’endors sous ma fée-lune. »
Viktor est né flou. Le Bruit qui Court et la Rumeur vocifèrent contre lui, au village. On dit qu’il est contagieux, que le flou s’attrape. Rejeté de tous, incompris de ses parents, menacé de mise à l’écart en institution, il s’enfuit de son village à sept ans. À présent jeune homme, réfugié dans la forêt, il dialogue avec son enfance, qu’il porte sur son dos. Son langage est aussi étrange que son visage est flou. Viktor parle autrement le monde. Le mal d’être seul et incompris des autres humains l’habite, lui pourtant si présent au monde. Lou, jeune fille égarée après avoir erré longtemps pour noyer un chagrin, découvre alors Viktor à la nuit tombée. Intriguée, curieuse, étonnée par l’apparence de Viktor, elle le questionne. Le Temps qui Passe, personnage énigmatique, n’est jamais très loin… Comment Lou et Viktor approcheront-ils leur différence ?
Avec : Valérie Vinci
Musique, bande son : Peter Chase
À propos de l’Enfant flou…
Dans la continuité de ma réécriture de contes mis en scène à la Conciergerie de Paris, ce récit convoque la différence, l’étrangeté, le rejet et la solitude qu’il déclenche, puis l’acceptation de cette différence. C’est aussi une sortie de l’enfance par un parcours initiatique fait d’épreuves - passées et présentes. Renvoyé à son enfance qu’il porte sur son dos, Viktor jeune homme finira par la déposer en empruntant la route du Temps qui Passe.
Quel enfant ne s’est pas senti, un jour ou un court instant, rejeté par le regard des autres, jusqu’à en avoir peur. Ne pas se sentir à sa place, avoir un quelque chose en plus, ou en moins, qui vous rend incertain, autre, comme dans le flou de son être. Les signes de cette différence - réelle ou fantasmée - peuvent être visibles ou enfouis, comme une cicatrice intérieure dont témoignent le comportement ou le langage.
Le film de François Truffaut, L’enfant sauvage, est l’un des témoignages les plus émouvants sur la difficulté, jusqu’à l’impossibilité, d’accéder au langage pour Victor de l’Aveyron, recueilli par Itard : Victor adulte restera toujours en marge de la communication humaine, dans un en-deçà du langage. Ici, Viktor n’est pas « sauvage » mais flou. Une différence physique proche du trouble que provoque Le garçon aux cheveux verts de Joseph Losey.
Dans une syntaxe qui lui est propre, Viktor invente des mots pour nommer ce qu’il voit, ce qu’il ressent. Mais cette apparente confusion verbale fera de lui, à la différence de Victor de l’Aveyron, un être capable de parler les choses autrement, et ainsi d’être au monde. Après avoir été rejeté, Viktor sera reconnu, apprécié, voire aimé, pour sa capacité à manier la langue dans le registre du poétique, à faire advenir d’autres images du monde.
Car Viktor change la vision du monde par sa différence. Par sa présence, par ce qu’il est, il fait vaciller nos repères et les frontières de l’identité.
L'équipe
Valérie Vinci a travaillé notamment avec Noëlle Renaude, Claudine Galéa, Serge Valetti, Enzo Cormann, Philippe Minyana, Eugène Durif, Catherine Beau, Michel Cerda, Robert Cantarella, Jean-Luc Lagarce. Depuis 1997, elle entretient une complicité de travail avec Valère Novarina et joue dans ses créations. En 2000, L’Origine rouge, au Théâtre de la Colline, en 2007, L’Acte inconnu, dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes à Avignon, en 2011, Le Vrai Sang, à Odéon-théâtre de l’Europe, en 2012, L’Atelier volant, au Théâtre du Rond- Point. En 2015, Le Vivier des noms, au Cloître des Carmes à Avignon et en 2019, L’Animal imaginaire, créé au Théâtre de la Colline.
Depuis 2006, elle joue La petite et La mémé, dans Le Petit Chaperon rouge, écrit et mis en scène par Joël Pommerat. Molière du spectacle jeune public, il poursuit sa tournée en France et à l’étranger.
En parallèle, elle écrit son premier tour de chant, J’aime beaucoup les coquelicots (2004) sur l’exil, la différence, l’enfance. Chansons mises en musique par Christian Paccoud. En 2013, elle écrit et interprète Miss Gariguette dans Mon Cabaret à toi, un morceau de l’intérieur de ma tête, au Lavoir Moderne Parisien. Spectacle hommage où elle chante l’amour, invente un langage. Actuellement, elle travaille à la diffusion de son nouveau spectacle, Peut-être que j’ai dormi. Solo incongru sur le théâtre.
Photo © Olivier Allard
Peter Chase, après avoir fait des études musicales aux États Unis et en France, dirige et compose des musiques de films parmi lesquelles Mina Tannenbaum de Martine Dugowson, L’appartement de Gilles Mimouni, Unknown Things de Bruno Coppola, Le Battement d’ailes du papillon de Laurent Firode ou Une affaire qui roule d’Eric Véniard.
Il compose également des musiques de téléfilms parmi lesquelles Ça commence à bien faire de Patrick Volson, Moitié-moitié de Laurent Firode ou L’Agence coup de coeur de Stéphane Kurc, ainsi que de la musique pour des pièces de théâtre, parmi lesquelles de nombreuses mises en scène de Paul Golub.
« Je seul, je si seul ici depuis si long maintenant. Si long laps de temps sous les tempêtes, à tempêter entêté.
Seul et mon enfance au dos, mon enfance toute mouillée, fatiguée.
Fatiguée de s’être cachée. Ma vieille peau d’enfance comme me colle à la peau.
Dis, mon enfance, pourquoi incompris, pourquoi chassé de chez moi ? »
Télécharger le dossier de presse
© Anne Sultan - SACD N°000355961
Photo du dossier : @ Josette Sultan
CIE du Manège - 34 rue Victor Basch - 92120 Montrouge